lundi 24 mars 2008

Ecrits gnostiques : étrange passion

Ce 3 décembre, Le Soir a consacré une page entière à l'évangile de Judas. Dans le cadre de ce débat, je me permets une réflexion.

Imaginons un sage ayant vécu en Mongolie entre 1795 et 1830. Imaginons encore que, se fondant sur des témoignages, des traditions orales et divers documents, l'enseignement de ce sage soit par la suite mis par écrit par des disciples, entre 1860 et 1900.

Imaginons toujours que, par après, sous l'influence du communisme devenu influent dans ces régions, sa pensée soit revue et corrigée en enseignement bolchevique par des publications postérieures, parues entre 1940 et 1989.

Imaginons enfin qu'un historien d'aujourd'hui cherche à connaître cet homme et son message.

Ma question est : vers quels écrits irait sa préférence ?

La réponse à cette question s'applique également aux documents gnostiques.

Si l'intérêt académique pour les "évangiles" gnostiques du IIe sicècle est bien naturel, la fascination dont ils font parfois preuve peut surprendre.

Certains de nos contemporains semblent convaincus qu'ils nous révéleraient une vérité sur Jésus de Nazareth que les évangiles classiques auraient cachée.

Curieux phénomène. Ce sont parfois les mêmes personnes qui mettent en doute la crédibilité des évangiles officiels - écrits entre l'an 60 et 100 - qui se passionnent pour les écrits gnostiques.

Le fait que ceux-ci soient plus tardifs d'au moins un demi-siècle, et rédigés dans un contexte intellectuel très éloigné de celui que connut le Nazaréen, devrait les faire réfléchir.

Pour les chrétiens, Jésus de Nazareth est la Parole d'Amour de Dieu fait homme. Personne n'est obligé de croire cela.

Pour l'Histoire, cependant, il n'en demeure pas moins également un Juif de Palestine bien de son époque.

Et donc un homme aux préoccupations très éloignées des spéculations gnostiques du deuxième siècle.

Et cela, il est difficile de ne pas le croire.

M. Eric De Beukelaer, prêtre.
Publié dans le journal Le Soir, décembre 2007